Du « boudin » masculin à la « salope » atomique, essai de typologie des « méchantes » dans James Bond


James Bond, créé par Ian Flemming, revient sur les écrans. Ce héros populaire séduit les femmes en nombre, mais il est incapable de s’engager au-delà d’une mission, impitoyable, avec celles qui tententen vain – d’entraver sa route ou osent le défier. Ce défenseur de l’Angleterre et de ses institutions, qui couche « pour la reine » ne redouterait-il pas qu’une chose : la concurrence ?

Tout a commencé avec ces deux images. Deux affiches de films datant de 1981 et 1987. Pour une fois James Bond ne posait pas entouré de jolies girls alanguies. Sur ces deux affiches, ce qui est intrigant ce n’est pas que Bond menace une femme –après tout certaines méchantes cinématographiques le méritent- mais c’est qu’il menace des femmes qui, elles, ne le menacent pas de leur arme. Les armes de ces dames sont au repos. Alors, de quoi a donc bien peur Bond ? Rester coincé devant ces femmes géantes aux jambes sculpturales et à l’entrejambe souligné ? Revolver d’un côté, sexe de l’autre, chacun son arme ?

Ian Flemming  (1908-1964) expliqua un jour qu’il avait créé le personnage de James Bond en réaction à son mariage, en 1952. C’est sans doute pourquoi l’agent secret de sa Majesté n’affronte pas que des adversaires masculins dans ses histoires écrites et filmées, mais combat également de farouches ennemies. Le tour d’horizon de ces ennemies révèle une grande constante qui pourrait se résumer à la crainte face à leur autonomie et à leur sexualité. Les femmes libérées sont ainsi toujours considérées comme un danger pour le plus célèbre « tombeur » de ces dames.

Pourtant la Grande-Bretagne, avec ses militantes « suffragettes », a été en pointe dans la lutte féministe. Dès 1919, les femmes obtiennent le droit de vote au Royaume-Uni et Lady Astor devient la première femme élue à la Chambre des représentants. Certes, le droit de vote ne concerne encore que les femmes de plus de 30 ans et l’égalité complète avec les hommes est réalisée en 1928. C’est donc bien dans cette patrie des suffragettes qu’est né le héros le plus agressif contre la sexualité féminine.

Les représentations des « méchantes » recouvrent plusieurs figures. Depuis 1952, elles en revêtent principalement trois. D’abord véritables « boudins masculins », elles ont la « gueule de l’emploi » essentiellement dans les romans et nouvelles de Ian Flemming. Puis, sous l’influence des images cinématographiques, elles deviennent séduisantes, mais restent confinées dans des rôles secondaires de petites mains du grand méchant. Enfin, lorsqu’elles osent se comporter comme le héros masculin, libre et affranchi, elles se transforment en monstres, des « salopes atomiques » menant la planète à la destruction nucléaire.

(à suivre…)

Marc Gauchée

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